Un Conseil fédéral qui lave plus vert ?

20.10.2022 |

Suite à la récente déclaration « victorieuse » du Département fédéral des finances quant à la première émission d’obligations vertes (green bonds) par la Confédération suisse, j’ai voulu analyser la portée d’une telle information dans la perspective du défi climatique. Le communiqué de l’Administration fédérale des finances fournit les premières informations. 

D’abord, les obligations vertes sont un phénomène récent : elles sont apparues en 2007. Cela reste un phénomène plutôt marginal : en Suisse, les emprunts verts représentent 11 milliards de CHF, ce qui correspond à 1,9% du marché suisse des capitaux. Des titres verts ont été émis surtout par des banques et des assurances et aussi par des cantons comme Bâle-Ville et Genève.

Pour la Confédération, la décision d’émettre de telles obligations a été communiquée en novembre 2021, en même temps que le Conseil fédéral publiait son rapport sur la compatibilité climatique du marché financier, que j’ai commenté. En août 2022, le Conseil fédéral a publié un document-cadre pour l’émission d’emprunts obligataires verts, doublé de l’avis d’une société spécialisée sur la comptabilité de ce cadre avec les règles internationales.

La lecture de ce document amène des informations importantes. D’abord, le document confirme que « Étant donné que le Parlement doit approuver en dernier ressort tout type de dépenses, les emprunts fédéraux verts ne se traduiront pas par davantage de dépenses et de projets environnementaux. ». Ensuite, il est fourni une description des activités vertes qui pourront être financées par ces fonds tout en précisant que le secteur de l’énergie nucléaire est exclu de l’allocation des fonds.

Ces éléments confirment les doutes accumulés lors de la lecture de l’ouvrage intitulé « L’illusion de la  finance verte », dont je viens de donner un compte rendu.

Pratiquement, le procédé d’enchères utilisé pour placer mensuellement les emprunts de la Confédération garantit que le taux déterminé correspond à celui du marché. Un emprunt vert ne se différencie pas par un taux différent des autres catégories d’emprunts. De plus, le client final qui se procurera une créance à travers sa banque qui a participé à l’enchère, n’a aucune garantie que son argent soit dépensé pour une des activités indiquées. Le Parlement pourrait par exemple décider de renoncer à cette activité. Bien sûr, ce risque est limité, car cet emprunt obligataire ne représente qu’une fraction des 4,5 milliards CHF consacrés par la Confédération à l’environnement.

Si on regarde de plus près les informations publiées pour les marchés, on s’aperçoit que le succès de l’emprunt reste relatif : du fait du procédé choisi, les demandes d’achat dépassent presque toujours les volumes attribués. En plus, on s’aperçoit que sur les 766 millions adjugés, 300 millions, soit près de la moitié, correspondent à une tranche conservée par la Confédération pour son compte propre, montant qui pourrait être revendu plus tard sur le marché secondaire.

En conséquence, je pourrais conclure que l’exercice de l’emprunt obligataire vert est un exercice de communication, qui, compte tenu des montants impliqués, « ne mange pas de pain ». Toutefois, ce genre d’opération qui ne change strictement rien aux montants consacrés à lutter contre le réchauffement climatique ressemble diablement à ce que certains désignent par le terme GREENWASHING….

Ueli Maurer
Ueli Maurer

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