Reporting environnemental : où va la Suisse ?

31.12.2024 | Economie |

Multinationales responsables
Drapeau français

Source

Internet
Drapeau français

Langue

Français
Territoire Suisse avec croix fédérale

Région

Suisse
Palais fédéral

Thème

Politique suisse
Multinationales responsables
En bref : La consultation sur la révision du CO réglant les questions de transparence a pris fin en octobre. Le projet se base largement sur la réglementation européenne (CSRD) en restant ouvert sur d’autres règles internationales. La réaction de l’économie a été virulente. Le Conseil fédéral semble coincé…

En 2000, le Peuple suisse a repoussé à la seule majorité des cantons l’initiative pour des multinationales responsables. Le Conseil fédéral avait proposé un contre-projet indirect qui introduisait dans le code des obligations des règles minimales pour les très grandes entreprises. Ces dispositions sont entrées en vigueur au 1er janvier 2024. A fin 2022 l’Union européenne a durci sa réglementation en édictant la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), que le Conseil fédéral a pris comme point de départ pour ses réflexions. Un mandat a ainsi été confié pour réaliser une étude d’impact de la réglementation (AIR) afin d’évaluer les conséquences d’une reprise éventuelle des règles européennes par la Suisse. J’ai consacré récemment un article à cette analyse.

A fin juin 2024 (pendant mes vacances…) un simple communiqué de l’Office fédéral de la justice a annoncé le lancement d’une consultation sur l’adaptation prévue des règles en matière de publication d’informations sur la gestion durable des entreprises. Le rapport explicatif qui accompagne le projet reprend l’essentiel des normes européennes : les entreprises suisses devront produire un rapport sur la durabilité lorsque qu’elles remplissent deux des trois conditions suivantes :  taille dépassant 250 employés (contre 500 dans la réglementation actuelle),  chiffre d’affaires de plus de 50 mio. CHF et bilan de plus de 25 mio. CHF.  Comme l’AIR le calcule, le nombre d’entreprises concernées devrait passer d’environ 200 à 3’500. La possibilité d’échapper à cette obligation par une déclaration justificative (principe comply or explain) disparait. Par contre, les entreprises suisses pourront continuer de se référer à d’autres réglementations internationales et pas uniquement à celles de l’UE. Le gouvernement fait notamment référence au « IFRS Sustainability Disclosure Standards de International Sustainability Standards Board (ISSB) », tout en reconnaissant que « À l’heure actuelle, il est difficile de se prononcer sur l’équivalence de ces normes avec les normes de l’UE, car elles sont en cours d’adaptation. (rapport explicatif p. 32). ». Le projet fait aussi référence à certaines particularités suisses, notamment aux règles moins contraignantes en matière de publicité du rapport et des comptes annuels, ce qui nécessitera des dispositions particulières par rapport au droit européen.

La consultation a pris fin le 17 octobre 2024. Les réponses sont maintenant disponibles sur internet. J’avoue que je n’ai pas lu les 725 pages de ces prises de position. Je me suis concentré sur les organisations économiques les plus pertinentes. La coalition pour des multinationales responsables, à l’origine de l’initiative du même nom, est plutôt positive. La seule modification proposée est de supprimer la référence à d’autres standards que ceux de l’UE. L’association des financiers « verts », « Swiss Sustainable Finance », réagit sur le même point, mais dans un sens opposé : s’il est fait référence à d’autres standards, il ne faut pas préciser que ceux-ci doivent être compatibles avec les standards européens. Tout est encore en mouvement actuellement et il est préférable que le Conseil fédéral précise plus tard dans une ordonnance quelles règles internationales la Suisse reconnaitra. La position d’economiesuisse, association représentant plutôt les grandes entgreprises suisses développe et approfondit les mêmes arguments. Le projet est trop orienté sur le droit européen et doit donc être complètement retravaillé pour reconnaitre les standards en développement dans les pays non européens. Il faut également réintroduire la possibilté pour les entreprises de se contenter d’expliquer pourquoi elles ne sentent pas concernées par cette réglementation (principe comply or explain). Les mêmes réflexions sont reprises par Swiss Banking, l’association suisse des banquiers. Ces banquiers expriment également le souhait que les petits établissements bancaires soumis automatiquement aux nouvelles règles puissent y échapper.

Ce qui me frappe dans ces nombreuses prises de position, c’est la quasi absence de référence à l’objet de la loi, l’aspect durable de l’économie et des entreprises. On est très éloigné d’une place économique suisse qui est aux avant-gardes en matière lutte contre le réchauffement climatique et pour la durabilité. Le ton de la position d’economiesuisse est particulièrement virulent comme le montre un passage du résumé : « Obwohl die Wirtschaft die Revision des Schweizer Rechtsrahmens zur Sicherung der internationalen Kompatibilität bei der Nachhaltigkeitsberichterstattung unterstützt, verfehlt die Vorlage dieses Ziel deutlich. » En résumé le projet manque clairement l’objectif visé.

Ce message n’a surement pas échappé au Conseil fédéral et c’est à mon avis ce qui explique qu’il ait lancé une seconde consultation sur l’adaptation formelle de l’ordonnance actuellement en vigueur. Il faudra s’armer de patience pour voir le projet définitif et on peut imaginer que la coalition pour des multinationales responsables nous propose bientôt un nouvel article de la constitution fédérale….