Suite à l’adoption par l’Union européenne à fin 2022 de la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), l’administration fédérale a confié à l’institut de recherche bâlois BSS en collaboration avec l’Öko-Institut e.V. une analyse d’impact de la réglementation (AIR) découlant d’une reprise éventuelle par la Suisse des règles européennes. L’AIR est une des mesures mise en place par le Secrétariat d’Etat à l’économie (seco) pour abaisser la charge administrative, tâche à laquelle j’ai été associé lors de ma collaboration au seco.
Le rapport de BSS a été livré en février 2024 dans la perspective de la préparation des mesures de durcissement de la réglementation mise en place comme contre-proposition à l’initiative sur les multinationales responsables. Sur cette base un projet a été mis en consultation fin juin 2024, consultation qui n’a fait que l’objet d’un simple communiqué de l’office fédéral de la justice, qui est passé largement incognito .
Le rapport du BSS de 90 pages en langue allemande comprend un résumé en français de 9 pages, également disponible en italien et en anglais. L’objectif de l’analyse est d’évaluer le coût de la reprise de la réglementation européenne et de comparer cela au maintien de la situation actuelle ou à une reprise partielle. Le problème de base est que les coûts pour les entreprises peuvent être estimés mais que les avantages de la réglementation pour la société sont beaucoup plus difficiles à quantifier.
La directive CSRD prévoit que les entreprises sont soumises si elles remplissent deux des trois conditions suivantes : plus de 250 employés, un chiffre d’affaires de plus de 40 millions CHF et un total de plus de 20 millions. Les experts évaluent que 3’500 entreprises suisses seraient soumises, contre actuellement 200 dans le cadre des dispositions actuelles du code des obligations. Les coûts de la nouvelle réglementation seraient de 907 millions CHF par an, dont 580 millions pour les coûts de vérification par des sociétés de conseil agrées, mesure nécessaire à garantir la mise en œuvre de ces mesures.
L’analyse de BSS montre que ce sont les limites du chiffre d’affaires et du bilan qui jouent le rôle le plus important. Élever la limite à 500 employés ne réduirait quasi pas le nombre de sociétés concernées. Une réduction significative à 480 entreprises serait possible par contre si la limite de 500 employés devenait le premier critère obligatoire avec une seconde condition concernant le chiffre d’affaires ou le bilan. Les experts estiment que cette réduction réduirait notablement la portée et les effets positifs de la réglementation. Un autre élément à prendre en compte est le coût indirect d’une réglementation non harmonisée. De nombreuses PME suisses auront à livrer des informations nécessaires aux grandes entreprises, suisses et étrangères, soumises pour qu’elles puissent remplir leurs obligations de transparence. Des réglementations unifiées réduiraient ces coûts de manière significative. A un autre niveau, une ouverture à la concurrence dans le domaine des sociétés de révision pourrait réduire les coûts, mais une suppression des contrôles rendrait l’ensemble de la législation inopérante.
Finalement, les experts ne semblent pas mettre en évidence de coûts disproportionnés pour des mesures qui correspondraient à environ 0,04% du chiffre d’affaires des entreprises suisses. De plus, une réduction des obligations destinée à diminuer le nombre d’entreprises concernées amènerait une réduction correspondante des avantages attendus en terme de réduction des effets négatifs sur l’environnement.