L’écologie n’est pas un consensus

14.01.2023 | Climat |

allemand

Source

Livre
Drapeau français

Langue

Français
Globe terrestre

Région

Monde
Palais fédéral

Thème

Approche philosophique

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François Gemenne est un politologue belge spécialiste des questions de migrations et de climat qui enseigne dans différentes universités, dont Sciences Po Paris. Il a participé notamment à la rédaction du 6ème rapport du GIEC et à ce titre est très présent dans les médias.

Son ouvrage intitulé « L’écologie n’est pas un consensus » avec le sous-titre « Dépasser l’indignation » cherche des réponses à l’échec patent des mouvements et partis écologistes, dont il a été très proches. En 2022, il a notamment conseillé le candidat des verts Yannick Jadot à l’élection présidentielle française.

Ce livre de 120 pages publié par Fayard à fin 2022 contient de nombreuses réflexions intéressantes sans malheureusement aboutir à des conclusions très claires.

Un des premiers constats posés est que le réchauffement climatique est un phénomène global qui est largement déconnecté des politiques qui se concentrent sur un espace national. De plus, « il n’existe aucun lien entre les émissions de gaz à effet de serre d’un pays ou d’une génération et les impacts du changement climatique qui seront subis par ce pays ou cette génération…Ceux qui en sont les premiers responsables sont proportionnellement moins touchés par ses conséquences » (p. 19)  « Agir pour le climat implique donc d’agir avant tout pour les autres, plutôt que pour ses propres intérêts » (p. 20).

En 1960 l’Europe représentait 42% des émissions de gaz à effet de serre (GES) contre seulement 15% 60 ans plus tard. Ce recul n’est pas dû à la diminution des émissions européennes mais à la forte augmentation enregistrée dans les pays en développement, qui ont adopté notre modèle basé sur la consommation d’une énergie bon marché. La part européenne va encore diminuer puisque nous voulons devenir neutre climatiquement à l’horizon 2050. Comme le climat est fonction de la quantité totale de GES, plus le futur climatique de l’Europe dépendra d’autres pays, dont on ne peut pas exiger qu’ils renoncent complètement aux énergies fossiles.

Si une large majorité des citoyens reconnaissent la problématique climatique, seule une minorité (un tiers) en fait une priorité. La seule voie de sortie pour les partis écologistes est d’élargir leur programme à d’autres thématiques sociales. C’est ce qui a manqué lorsque les gilets jaunes se sont opposés à la hausse du prix du carburant ou que les portiques pour taxer les poids lourds ont été détruits. Un nouveau contrat social est indispensable. Le temps presse et il n’est plus question de prendre le temps de faire disparaître le capitalisme. Nous n’avons pas de réelle alternative et cela prendrait trop de temps.

Pour les politiciens, c’est plus une question de volonté que de compréhension des enjeux scientifiques. À force de rechercher un consensus, on fait du surplace et rien ne bouge. Les actions médiatiques lancées par certains esprits « bien-pensants » ne font qu’augmenter le sentiment de la majorité que l’écologie, c’est une priorité des riches et des cercles influents. Gemenne en déduit qu’il faut se reposer sur l’action de minorités agissantes, notamment en intégrant le monde des entreprises, pour arriver à faire évoluer les mentalités comme cela a été le cas dans la lutte contre l’esclavage.

On peut classer Gemenne dans le camp des « réalos » à plusieurs niveaux. Il remet aussi en question certaines « vaches sacrées » comme le fameux objectif d’un plafond de 1.5 degré qui a en fait été réintroduit lors des négociations de l’accord de Paris. Cette réduction par rapport au 2 degrés s’explique par le souci de donner une victoire diplomatique aux petits états insulaires. Nous atteindrons la limite de 1.5 degré quoi qu’il arrive vers 2035 et tenir à terme l’objectif de 2 degrés tiendra plutôt du miracle.

Même si on doit se reposer sur des minorités, l’action climatique ne peut être que globale et internationale. Où j’ai de la peine à suivre Gemenne, c’est qu’il propose de laisser de côté la fameuse règle du consensus en matière de négociations internationales, sans vraiment parvenir à dégager une véritable alternative.