Fred Vargas est une chercheuse française, docteur en archéozoologie. En marge de ses activités au CNRS, elle s’est mise à écrire dès le milieu des années 80 des romans policiers qui ont rencontré un grand succès. Je vous recommande chaudement tous ses romands policiers que j’ai (malheureusement) déjà tous dévorés. Le principal héro de ces nombreuses enquêtes est le commissaire Adamsberg, qui se caractérise par son caractère fantasque et sa tendance à échapper aux stéréotypes du polar.
Se basant sur sa culture scientifique, Fred Vargas s’est passionnée ces dernières années pour les enjeux du climat et a publié deux ouvrages, le premier en 2019-20 intitulé « L’humanité en péril », suivi d’un second en 2022 portant le même titre avec les sous-titres « Quelle chaleur allons-nous connaître ? / Quelles solutions pour nous nourrir ». Ce qui m’a frappé, c’est que ces deux ouvrages se situent aux antipodes des romans policiers de Fred Vargas. Ils sont bourrés de chiffres et de citations. L’auteur traite de toutes les questions ayant trait à l’environnement, qu’il s’agisse du climat, de la biodiversité, de la production de nourriture et de la vie quotidienne des humains confrontés à une crise majeure. Fred Vargas n’est plus seulement médiéviste, mais aussi spécialiste en production d’énergie et en développement économique et écologique.
Le premier tome présente une avalanche de faits et de chiffres tirés des publications scientifiques comme celles du GIEC et de leur interprétation par de nombreuses publications «écologistes ». Je préfère le second tome qui a l’avantage d’affiner l’analyse et d’aller aux extrêmes des raisonnements esquissés dans le premier. Dans le second tome, Fred Vargas devient le planificateur omniscient qui confronte les différentes hypothèses du GIEC ou d’autres spécialistes de l’environnement. Le plus frappant est que l’autrice cherche à chiffrer ces différents scénarios et à les combiner tout en testant leur plausibilité. Par exemple, elle ne se limite pas à évoquer les limites imposées à la production de voitures électriques par les réserves de terres rares, mais elle cherche à en quantifier les effets.
La première conclusion la plus importante de Vargas est que la limite des ressources en combustibles fossiles rend très improbables les variantes extrêmes des extrapolations du GIEC en matière de réchauffement. En un mot, il n’y a pas assez de réserves de carburants pour fournir les quantités de CO2 envisagées. Au contraire, les financiers devraient se détournera plus vite que prévu de ces ressources énergétiques, ce qui devrait à terme être à l’origine d’une grave crise économique. Ce recul des énergies disponibles obligera la population à abandonner les transports à longue distance et à se tourner vers des ressources locales. Par exemple, l’électricité disponible ne permettra pas de faire se mouvoir des gros camions très gourmands en énergie. Il en va de même des tracteurs utilisés par les agriculteurs. Vargas se lance dans des calculs savants et suggère qu’il sera possible de développer en France un cheptel d’un million de chevaux de trait, doublé par huit millions de bœufs de trait. Elle va même jusqu’à indiquer comment traiter le crottin produit afin d’en tirer le meilleur parti écologique. Sans vraiment développer, Vargas poursuit l’analyse de l’épuisement prévu des différentes matières premières pour anticiper une disparition pure et simple de l’électronique et de l’informatique, qui sont une des caractéristiques du développement technologique actuel.
Pour moi, l’approche globale et très détaillée de l’autrice a le mérite de mettre le doigt sur de nombreux problèmes pratiques et à chercher à mettre sur pied des scénarios qui tiennent compte des différentes contraintes, même si cela aboutit parfois à des conclusions un tant soit peu abracadabrantesques. Par contre, certains éléments frappent l’économiste que je suis. La crise économique automatique découlant de la diminution des ressources énergétiques fossiles semble plutôt tomber du ciel et l’analyse semble en grande partie oublier les effets du mécanisme des prix.
Pour moi, ce sont des sources de réflexions très intéressantes, même si je continue d’espérer que Fred Vargas nous livre bientôt une nouvelle aventure du commissaire Adamsberg……..
Pour ceux qui préfèrent les images, Fred Vargas a participé à une émission de la Grande Librairie en 2019 pour présenter son premier tome :
et a donné très récemment une interview à France Culture sur son deuxième tome.
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