Ce rapport publié par le Conseil fédéral porte sur quatre années et paraît pour la troisième fois. Ce document de 192 pages fait la synthèse de l’état de l’environnement et des mesures prises par la Confédération, principalement les deux dernières années sous revue (2021-2022). Il ne considère toutefois pas les conférences internationales (climat (COP27) et diversité biologique (COP15)) qui ont eu lieu en décembre 2022.
La liste des contributeurs est intéressante. Bien qu’il s’agisse d’un rapport du gouvernement, la liste des auteurs ne comprend que des collaborateurs de l’Office de l’environnement (OFEV), avec une forte représentation du Comité de direction. Le rapport contient deux parties, l’état de l’environnement dans le domaine de la consommation, d’une part, et la politique environnementale mise en œuvre dans 15 secteurs, du climat à l’électrosmog, d’autre part. Les collaborateurs de l’OFEV peuvent être rassurés : ils ne seront pas au chômage ces prochaines années. Sur les 15 secteurs analysés, seule la qualité de l’air semble acceptable. On pourrait même imaginer qu’il n’y a pas d’électrosmog, mais on ne sait jamais ; l’OFEV préfère relativiser le constat plutôt rassurant des statistiques officielles… Les treize autres secteurs se trouvent dans une situation plus ou moins catastrophique qui exige un engagement important des pouvoirs publics.
Au niveau des messages clés, on retiendra qu’ « il reste beaucoup à faire : les changements climatiques, le déclin de la biodiversité et la surexploitation des ressources naturelles. » (p. 9) C’est le domaine de la biodiversité qui souffre le plus en raison du « manque de surfaces, l’imperméabilisation des sols, le morcellement du paysage, l’exploitation agricole intensive ainsi que les apports d’azote et de produits phytosanitaires ».
Le rapport indique que « l’infrastructure écologique », qui regroupe les zones destinées à préserver la biodiversité, atteint aujourd’hui 13,4% du territoire suisse et que le Conseil fédéral s’est engagé à atteindre 17% en 2030. Il n’est par contre pas relevé que ce dernier objectif faisait partie des objectifs d’Aïchi fixés en 2010 et qui auraient dû être atteints en 2020. Il n’est non plus pas relevé que la Suisse a soutenu lors de dernières négociations internationales le passage à 30% à l’horizon 2050.
Pour moi, le rapport apporte des éléments intéressants en matière de diagnostic, mais est beaucoup moins explicite en ce qui concerne les politiques à mettre en œuvre. C’est notamment le cas en matière d’agriculture. Le rapport relève que la moitié des aliments consommés par le bétail en Suisse est importée. Il précise (p. 62) ainsi : « En n’utilisant que du fourrage cultivé sur son territoire, l’agriculture suisse pourrait encore produire une bonne moitié de la quantité de viande actuelle et économiserait ainsi 40% de ses émissions de gaz à effet de serre. » Malgré cela le rapport ne remet pas fondamentalement en cause la politique agricole actuelle.
L’analyse de l’OFEV se base sur des indicateurs statistiques qui sont relativement peu expliqués et qui, selon moi, mériteraient une large discussion. Je peux citer trois exemples :
- La charge environnementale globale (p. 11) est mesurée par des « unités de charge écologique » calculées selon une méthode helvético-suisse : je n’ai pas retrouvé cet indicateur dans un autre pays. Dans l’ensemble, cette charge a reculé de 13% entre 2000 et 2018 et d’un quart environ lorsqu’on considère les résultats par habitant.
- Les autres indicateurs de l’empreinte de la Suisse marquent également une légère diminution pendant cette période de presque deux décennies, à l’exception de l’empreinte en matière de biodiversité (p. 28). Ce phénomène – qui reste selon moi impossible à mesurer – est estimé sous la forme de la probabilité de disparitions d’espèces baptisée « Piko PDF α » indicateur qui a été proposé par des chercheurs de l’EPF Zürich et qui est très loin d’être devenu un standard international. Ne cherchez pas sur votre moteur de recherche habituel, vous tomberez sur des publicités pour des trains miniatures.
- Parmi les rares comparaisons internationales, on en trouve une (p. 75) pour les émissions de CO2 par habitant « issues de la demande finale », sans les transports internationaux et la production de ciment. C’est la première fois que je suis confronté à cette mesure qui inclut une estimation des émissions provenant de nos importations selon des calculs effectués par l’Agence internationale de l’énergie (AIE). J’ai commencé à explorer le site de l’AIE, mais je n’ai pas encore trouvé la source de ces calculs. Ce qui me choque particulièrement, c’est le fait que le graphique présenté « oublie » certains autres états et place la Suisse au quatrième rang des nations les plus productrices de CO2, après les USA, l’Australie et le Canada ! À première vue, les communicants de l’OFEV ont la même approche que ceux du WWF. C’est préoccupant lorsqu’on considère que c’est une publication officielle du gouvernement, qui sera citée à l’avenir comme « l’avis du Conseil fédéral ».
0 commentaires