Biodiversité suisse : bilan en demi-teinte

28.05.2023 | Biodiversité |

Troupeau de vaches à la désalpes
anglais

Source

Étude
Drapeau français

Langue

Français
Territoire Suisse avec croix fédérale

Région

Suisse
Palais fédéral

Thème

Politique suisse
Troupeau de vaches à la désalpes

À l’occasion de la journée mondiale de la diversité biologique, l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) a publié deux études et un communiqué.

Le ténor reste négatif, mais toutefois un peu moins qu’il y a quelques mois encore : « Les deux rapports sont unanimes : il reste beaucoup à faire pour protéger et conserver la biodiversité. Fort heureusement, ils font également état de réussites ». Pour moi, cette approche plus positive pourrait avoir à faire avec l’arrivée d’un nouveau Chef de département, critique par rapport à la protection de l’environnement.

Le premier rapport, intitulé « Biodiversité en Suisse », fait le point depuis la dernière édition datant de 2017 sur l’évolution du phénomène en Suisse. Le second rapport fait la synthèse des listes rouges, des espèces et milieux menacés en Suisse, ce qui n’avait plus été fait depuis 2011.

L’instrument des listes rouges est le principal moyen de mesurer l’évolution de la biodiversité dans notre pays. Toutefois, il y a un obstacle de taille : le nombre des espèces n’est pas connu précisément, ce qui rend la quantification du recul difficile à estimer. En effet, si on estime le nombre d’espèces en Suisse à aujourd’hui environ 56’000, ce sont environ 10’000 de plus qu’en 2011 ! Et on sait que de nombreuses espèces n’ont pas encore été répertoriées. Plus de la moitié des espèces recensées en Suisse sont d’ailleurs des insectes. Les critères de constitution de ces listes rouges se sont affinés au niveau international et sont devenus plus discriminants. Les dangers auxquels sont exposées de nombreuses espèces sont patents mais il reste qu’on ne dispose pas d’une évaluation chiffrée indiscutable, comme c’est le cas avec le CO2 dans le cadre du climat.

Le rapport de synthèse sur la biodiversité ne permet pas de combler le vide provenant d’une absence d’indicateur unanimement reconnu. Il relève quelques éléments provenant des cercles écologiques les plus critiques en mentionnant, par exemple que «En Suisse, le poids total de la volaille de rente est près de 15 fois supérieur à celui des oiseaux nicheurs sauvages. » En se basant sur les travaux de l’IPBES – l’équivalent du GIEC pour la biodiversité-, le rapport cherche également à mettre en parallèle le développement de maladies virales provenant des animaux (zoonoses) comme le covid 19 et le recul de la biodiversité. Comme on n’a pas réussi à retracer l’évolution de ce virus, la démonstration reste clairement incomplète. Les éleveurs suisses doivent-il se détourner des poulets et se reconvertir dans la chasse aux oies sauvages ? L’agriculture et l’élevage intensifs sont sans conteste parmi les plus grands dangers que court la biodiversité dans notre pays. Toutefois, l’OFEV ne peut pas clairement mettre en question les protégés de l’Office de l’agriculture et doit se replier sur des déclarations indirectes.

De la lecture des différents chapitres du rapport d’une centaine de pages, je ne retiendrai que quelques éléments :

  • L’élevage extensif a transformé l’espace alpin il y a déjà plusieurs siècles. Ces dernières décennies sont marquées par un recul des alpages et par une progression des forêts dans les altitudes les plus élevées.
  • L’assèchement des marais et la canalisation des cours d’eaux ont été parmi les éléments majeurs qui ont accompagné la progression de la population et l’augmentation de la production agricole. De nombreuses espèces animales en ont subi les conséquences négatives.
  • Ces dernières décennies ont enregistré un renversement de tendance et les aménagistes cherchent à retrouver certains éléments disparus : « Depuis sa révision en 2011, la LEaux dispose que les fonctions naturelles des ruisseaux et des rivières doivent être rétablies. En l’espace de 80 ans, il est prévu de libérer de son corset une longueur totale de 4000 km de cours d’eau et de remettre en état les processus typiques de l’écosystème. C’est ainsi que 433 projets ont déjà été mis en œuvre entre 2011 et 2019, permettant la revitalisation de 156 km de cours d’eau. » (p. 44).
  • Ces corrections sont coûteuses mais font à mon avis sens. Toutefois. Nous sommes loin d’une remise en question de notre développement. Il ne s’agit pas de revenir sur la correction des eaux du Jura qui a permis d’assainir la région des trois lacs et d’y réintroduire les moustiques porteurs de la malaria….

Les conclusions du rapport sont loin de nous étonner. L’OFEV y rappelle l’objectif d’arriver à 17% de surfaces protégées, objectif qui avait été déjà accepté une première fois dans le cadre des accords d’Aïchi négociés en 2010. Les Suisses doivent donc rester réalistes et ne peuvent pas s’approcher des 30% proposés par les Européens et aussi au niveau international.

Je terminerai par une remarque qui relève ce qui me semble manquer dans ces conclusions : l’OFEV a longtemps tenté de développer sa propre métrique pour proposer ses solutions au niveau international. Les analyses de Frischknecht et consort (cf. un article récent) ont presque complètement disparu. Les conclusions se limitent à se référer à un indice international du WWF qui n’était jusqu’ici pas apparu dans les analyses de l’OFEV. Ce n’est pas parce que cet instrument, le Living Planet index https://www.livingplanetindex.org/ , serait international qu’il faudrait oublier de l’analyser, ce que je ferai dans un prochain article.