Empreinte écologique : piste perdue !

26.10.2022 |

L’Office fédéral de l’environnement (OFEV) vient de publier un communiqué avec le titre « Pistes pour réduire davantage l’impact environnemental de la Suisse ». Ce texte présente une étude intitulée « Empreintes environnementales de la Suisse : Evolution de 2000 à 2018 ». La version allemande est longue d’une centaine de pages et comprend un résumé en français (7 p.) et en anglais.

L’administration suisse s’intéresse depuis longtemps à la notion d’empreinte écologique. L’Office fédéral de la statistique (OFS) a soutenu les travaux internationaux du Global Footprint Network de Wackernagel au milieu des années 2000 et a récemment mis ces données à jour comme l’indique le site Internet de l’OFS

L’OFS a d’ailleurs lui-même calculé l’empreinte carbone de la Suisse, calcul que j’ai commenté il y a un peu plus d’une année. L’idée de base est de calculer la surface forestière qui serait nécessaire pour compenser nos émissions de CO2, le point crucial étant de pouvoir estimer le contenu en CO2 de nos importations.

L’OFEV a suivi une voie différente en cherchant à construire des indicateurs universels permettant de mesurer l’impact sur l’environnement de multiples phénomènes, sans se limiter à un équivalent surface. Pour cela, il a choisi la piste des bilans écologiques et a soutenu depuis une quinzaine d’années les travaux de Frischknecht et de son associé Nathani. Le site de l’OFS signale une quarantaine de publications avec cette signature. La dernière publication est en fait une mise à jour d’un rapport plus complet publié par les mêmes auteurs en 2018.

La méthode utilisée n’a plus rien à voir avec la notion de surface et le calcul d’un indicateur chiffré repose sur une pondération sur la base des objectifs politiques. Donc si nos critères deviennent plus sévères, l’impact devient aussi plus négatif. Pour aller plus loin dans cette analyse, il faudrait également une centaine de pages et je me concentrerai ici sur les principaux résultats.

Le principal résultat de cette étude est que l’empreinte environnementale selon la mesure de l’unité de charge écologique retenue par l’OFEV a reculé de 26% entre 2000 et 2018. Par contre, la diminution a surtout été sensible en Suisse. La part attribuable à nos importations est, elle, passée de 61 à 68%. L’évolution est plus négative en ce qui concerne notre empreinte en matière de biodiversité qui, globalement, augmente de 8%, surtout en raison de nos importations, dont le poids passe de 58 à 70%. Ces résultats sont un peu plus négatifs que ceux calculés précédemment, ce qui n’est pas étonnant puisque nous avons choisi des objectifs plus ambitieux en matière d’environnement.

Toutefois, les résultats obtenus en matière de biodiversité m’étonnent et méritent une analyse plus approfondie. La méthode repose sur des indicateurs calculés par l’EPFZ, qui estime une probabilité de disparition d’espèces en fonction des régions concernées. Le mécanisme en jeu est que pour produire les biens que nous importons, les pays exportateurs défrichent leurs forêts, ce qui est à l’origine de l’extinction de nombreuses espèces. D’après mes investigations, cette méthode n’est jusqu’ici pas devenue un standard en matière de recherche au niveau international. Ceci explique que les auteurs n’aient trouvé qu’une autre étude pour plausibiliser leurs résultats. Il s’agit du “Sustainable Consumption and Production Hotspot Analysis Tool (SCP-HAT)” mis à disposition par la « Life Cycle Initiative » soutenue par le programme des Nations unies pour l’environnement. Le hic, c’est que cette étude  – étude qui devrait reposer sur des bases méthodologiques comparables – aboutit à un résultat inverse : l’effet sur la biodiversité en Suisse aurait reculé de 36% pour cette organisation des Nations Unies !

A mon avis, cette comparaison montre que la méthode utilisée est loin d’être robuste. Mais, mon problème est plus large : les auteurs et l’OFEV ne se risquent pas esquisser des pistes pour corriger cette évolution, contrairement à ce qu’ils laissent entendre dans leur communication. Ce que j’ai retenu de mon analyse des publications précédentes, c’est que ce sont nos importations de cacao et de café qui expliquent une grande proportion de l’impact sur la biodiversité. Ces importations n’ont vraisemblablement pas reculé ces dernières années, ce qui expliquerait la progression enregistrée. En fait, je ne comprends pas pourquoi l’OFEV s’arrête en si bon chemin : il suffirait de demander à Nestlé d’aller produire à l’étranger pour améliorer significativement le bilan écologique de la Suisse…..

Une Piste
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