J’hésite rarement au moment de remplir mon bulletin de vote avant de le mettre dans l’enveloppe et de l’envoyer par la poste. Or, j’ai longtemps hésité en ce qui concerne l’initiative « Pour l’avenir de notre nature et de notre paysage (Initiative biodiversité) ». Je vais finalement accepter cette initiative pour les raisons suivantes :
D’abord, il est utile de citer le premier article que l’initiative propose d’inscrire dans la Constitution fédérale :
Art. 78a Paysage et biodiversité
1 En complément à l’art. 78, la Confédération et les cantons veillent, dans le cadre de leurs compétences:
a. à préserver les paysages, la physionomie des localités, les sites historiques et les monuments naturels et culturels dignes de protection;
b. à ménager la nature, le paysage et le patrimoine bâti également en dehors des objets protégés;
c. à mettre à disposition les surfaces, les ressources et les instruments nécessaires à la sauvegarde et au renforcement de la biodiversité.
Ce qui saute aux yeux, c’est que les initiants ont une définition plus que large de la biodiversité. En fait, ils y ajoutent la protection des paysages et des espaces bâtis. Si cette initiative est appliquée très strictement, elle pourrait aboutir à mettre notre pays « sous cloche » et, surtout, créerait des obstacles importants à la mise en place d’une politique énergétique visant la décarbonation. Ces arguments sont repris par les opposants à l’initiative, qui regroupent les partis politiques de droite (UDC, PLR, Centre) et l’Union Suisse des paysans.
Mais, pour mieux comprendre les enjeux, il faut faire un retour sur le passé récent et relire le message que le Conseil fédéral avait envoyé au Parlement le 4 mars 2022. En effet, le gouvernement s’opposait bien à l’initiative pour ces différents motifs, mais il proposait de lui opposer un contre-projet indirect. Cette proposition a été écartée par le Parlement lors de ses débats, le Conseil national ayant dû céder devant le Niet du Conseil des Etats. Le message montre bien que le Conseil fédéral avait le sentiment d’avoir largement échoué à mettre en œuvre une politique de protection de la biodiversité. En 2010, la Suisse avait signé l’accord international d’Aïchi qui prévoyait de consacrer à l’horizon 2020 17% du territoire national aux zones de préservation de la biodiversité. Le message constate que la Suisse atteignait une proportion de 13,4% en 2022 et proposait de renforcer la Loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage (LPN) en inscrivant dans cette loi l’objectif de 17 % pour 2030. Alors que le Conseil fédéral critiquait l’initiative en constatant qu’elle ajouterait des charges annuelles de 400 millions CHF aux quelques 600 millions que la Suisse consacre à la préservation de la biodiversité, il était toutefois prêt à ajouter une centaine de millions pour financer les nouveaux objectifs de la LPN.
Les partis de gauche et les Verts soutiennent sans sourciller l’initiative. Les Verts libéraux étaient, au départ, divisés mais ont finalement opté pour le OUI, comme le montre l’argumentaire publié sur leur site. Ils sont d’avis qu’en réglant la mise en œuvre de l’initiative, le Parlement veillera à réduire les conflits avec une politique énergétique favorisant les énergies renouvelables.
Je suis prêt à prendre le même paris, raison pour laquelle je me suis finalement tourné vers le OUI. Toutefois, je reste persuadé qu’il faut rester réaliste : l’objectif de 17% de zones protégées peut et doit être dépassé et notre politique agricole repensée. Mais, continuer de soutenir l’objectif de 30% proposé dans les discussions internationales et défendu, semble-t-il sans réserve, par la Suisse officielle me semble largement irréaliste. Pour moi, la décarbonation de notre économie doit rester prioritaire par rapport à la préservation d’une certaine biodiversité.
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