La Suisse aimerait bien que ses établissements financiers soient exemplaires en matière de climat et d’environnement. La période des COP est aussi le bon moment pour faire état de ses certificats de bonne conduite. Ces derniers jours, deux publications ont attiré l’attention :
- l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) et le Secrétariat d’État aux questions financières internationales (SFI) ont publié des résultats sur le quatrième test climatique baptisé PACTA pour « Paris Agreement Capital Transition Assessment ». Cette enquête soutenue par les principales organisations des secteurs bancaires et financiers a réuni cette fois 146 établissements financiers, dont 34 banques. Les informations recueillies se concentrent sur les questions liées au climat.
- Le WWF Suisse a examiné en détail et pour la troisième fois les 15 plus grandes banques de détail de Suisse afin d’analyser leurs efforts en faveur de la protection du climat et de la biodiversité. Ces banques ont accepté de participer à cette enquête qualitative dont les résultats compilés par des sociétés de consultance partenaires du WWF donnent lieu à une notation individuelle de chaque institut. L’évaluation n’est pas limitée au climat et s’étend au secteur plus difficile à mesurer de la biodiversité.
Ces deux approches sont donc assez différentes, mais il est à mon avis très instructif de comparer leurs résultats. L’analyse du WWF est plus limitée, mais donne une appréciation qualitative des banques de détail suisses les plus importantes, sans qu’on puisse toutefois comparer ces résultats à ceux d’autres places financières. L’enquête de l‘OFEV qui est également à participation volontaire est beaucoup plus large et devrait pouvoir livrer des résultats plus précis même s’ils sont anonymisés. Malheureusement, nous restons largement sur notre faim : les commentaires publiés par l‘administration fédérale ne contiennent que très peu de chiffres et restent sibyllins en évitant toute comparaison internationale bien que la méthodologie choisie devrait le permettre.
Sur la base des communiqués à ma disposition, je ne peux que me limiter à faire de l’analyse de texte. Le WWF juge assez sévèrement les instituts participants : « Aucune des grandes banques de détail suisses n’atteint pour l’instant les objectifs internationaux en matière de climat et de biodiversité ». Si certains progrès sont enregistrés par rapport aux enquêtes précédentes, « Aucune des 15 plus grandes banques de détail n’est en phase avec les objectifs qui ont été fixés. En moyenne, elles ne totalisent que 2,2 points sur un maximum de 5 selon le classement environnemental du WWF. Elles se retrouvent donc seulement dans la catégorie «Moyennes». » Les mauvais résultats s’expliquent notamment par le fait que les crédits bancaires se concentrent toujours sur le secteur immobilier qui a une empreinte carbone très importante.
Le communiqué de l’administration fédérale se garde presque de tout jugement détaillé. Il se contente de constater que « Les résultats montrent toutefois qu’au niveau global, les secteurs financiers et les classes d’actifs ne progressent pas encore tous vers l’objectif de zéro émission nette. Pour la plupart des établissements financiers, il convient à présent d’établir des plans de transition concrets vers le zéro net de toutes les activités et les classes d’actifs ayant une incidence sur le climat. » Dans un autre texte de l’OFEV, le constat est encore plus critique : « Bien que la majorité des établissements financiers se soient fixé un objectif de zéro net, ils indiquent ne vouloir axer leurs portefeuilles sur l’objectif climatique que dans 14 % des cas. »
L’OFEV publie un rapport d’experts de plus d’une centaine de pages en langue anglaise avec un résumé de 36 p. traduit en français. En analysant les détails, on comprend mieux pourquoi ce document ne fournit aucun ordre de grandeur des parts de marché qui sont en jeux : « Cependant, comme le Test Climatique PACTA est facultatif et se base exclusivement sur les informations fournies par les participants eux-mêmes, et que tous les participants n’ont pas rempli l’enquête, les auteurs n’ont guère la possibilité de vérifier les données en détail. (p. 7 du résumé en français)». Les experts eux-mêmes soulignent les limites de l’approche ‘facultative’ choisie par les autorités suisses : « Les résultats de l’enquête montrent que, par rapport à toutes ces exigences de transparence, c’est l’obligation de reporting obligatoire qui a le plus d’impact. Elle a une forte influence sur l’élaboration de plans de transition supplémentaires et volontaires, bien qu’elle n’oblige que les grandes entreprises. Les recommandations et les autorégulations entraînent toutes également certains effets au-delà de la branche abordée, mais dans une moindre mesure. » (p. 17).
Même si ces publications permettent aux autorités suisses de se targuer du fait que notre place financière est aux avant-postes, je constate qu’on est encore loin du compte et que les efforts fournis jusqu’ici ne permettent pas de prouver cela par quelques chiffres que personne ne pourrait mettre en doute. Finalement, la contribution de l’administration fédérale ne permet pas de corriger les critiques basées sur l’analyse nettement plus sommaire du WWF.
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