Au début 2021 les éditions La Découverte ont publié un ouvrage de Marie-Monique Robin intitulé “La fabrique des pandémies”, avec le sous-titre “Préserver la biodiversité, un impératif pour la santé planétaire”
Marie-Monique Robin est une journaliste d’investigation, réalisatrice et écrivaine française lauréate du prix Albert-Londres de l’audiovisuel en 1995. Elle est connue pour ses documentaires cinématographiques critiques doublés de la publication de livres sur les mêmes thèmes. Les plus connus sont ceux consacrés au fameux glyphosate : “Le Monde selon Monsanto” (2008) et “Le Roundup face à ses juges” (2017).
Ce livre de 343 pages est en quelque sorte le résultat du confinement intervenu suite à la pandémie du Coronavirus. Marie-Monique Robin a consacré une bonne partie de l’année 2020 à interviewer sur Internet depuis chez elle une soixantaine de savants spécialistes des maladies infectieuses et de l’environnement. L’hypothèse à vérifier était que l’homme était lui-même à l’origine de cette pandémie par sa destruction de la biodiversité.
Comme moi vous ne serez pas étonnés que les différentes interviews réalisées confirment l’hypothèse de départ posée par la journaliste engagée. Je ne peux et veux pas revenir sur les très nombreuses analyses exposées dans cet ouvrage partisan ; il me paraît plus intéressant de me concentrer sur quelques commentaires généraux.
Pour commencer l’autrice passe en revue les différentes maladies épidémiques transmises à l’homme par les animaux – les zoonoses – au cours de l’histoire, à commencer dans les temps anciens par la peste transmise par le rat. La démarche suivante tend à prouver que ces zoonoses ont nettement tendance à augmenter en nombre et à s’accélérer. Le facteur explicatif serait la destruction de l’environnement par l’homme et plus précisément le fort recul de la biodiversité. La déforestation et l’agriculture intensive sont parmi les causes majeures de cette évolution.
La mise en exergue d’une contradiction potentielle est un élément central de la démonstration : la réduction du nombre d’espèces impliquée par le recul de la biodiversité n’aboutit pas à une diminution des sources de zoonoses mais au contraire à leur augmentation. L’idée de base est qu’un système « naturel » comprenant un grand nombre d’espèces est en quelque sorte en équilibre et représente un danger plus réduit au niveau de la santé publique. Un environnement qui expose par exemple la population humaine à un grand nombre de bactéries potentiellement dangereuses stimule les réponses du système immunitaire et aboutit à des réactions moins fortes en cas d’infections alors qu’une population vivant dans un environnement aseptisé a beaucoup plus de risques de souffrir de nombreuses réactions allergiques. La disparition des forêts et le morcellement des espaces de vie des animaux a pour effet de favoriser le développement d’espèces opportunistes qui ont davantage tendance à être porteuses de maladies qui peuvent se transmettre à l’homme. De plus la destruction de leur habitat naturel augmente les possibilités de contact entre animaux infectés et humains.
L’enquête met également en exergue la nécessité d’une approche globale qui associe la santé des humains à celle des animaux, ce qui se traduit par le concept « one health ». Dans ses conclusions l’autrice souligne la nécessité de réduire l’industrialisation de l’élevage et ses retombées négatives à travers nos importations. Elle cite à ce sujet (p. 319) un agronome allemand qui – au passage – attribue une bonne note à la Suisse « …Concrètement il ne faut plus importer du soja du Brésil pour nourrir les vaches allemandes. » Pour le chercheur, la Suisse est un exemple à suivre : « Les paysans n’y sont pas considérés comme des producteurs d’aliments, payés à la tonne de maïs ou de patates, mais comme des jardiniers des paysages, qui sont rémunérés pour les services écosystémiques qu’ils rendent à leur communauté…. ».
Si je partage les réticences de Marie-Monique Robin par rapport aux fabriques animales, j’ai par contre de la peine à la suivre dans sa volonté de rendre les effets du recul de la biodiversité responsables des zoonoses. Au début de son ouvrage elle parle du sida/VIH comme d’un cas d’école. La transmission du VIH du singe à l’homme est l’hypothèse la plus probable mais, comme le montre le résumé que nous fournit Wikipedia, cette transmission est semble-t-il ancienne et fait intervenir d’autres éléments que la simple déforestation.
En forme de Postscriptum, je peux encore relever que comme Marie-Monique Robin je ne suis pas un défenseur du glyphosate. Certaines réflexions de cette journaliste me paraissent dignes d’intérêt, y compris ses efforts pour faire un film sur la base de son ouvrage.
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