Sébastien Bohler est docteur en neurosciences et rédacteur en chef du magazine Cerveau & Psycho. Ces dernières années, il a écrit plusieurs ouvrages qui confrontent les structures du cerveau humain avec les principales questions sociétales. Je reviens ici sur l’ouvrage « Le bug humain » publié en 2019, et complété par le sous-titre « Pourquoi notre cerveau nous pousse à détruire la planète et comment l’en empêcher ».
En 2022, l’auteur a publié « Human Psycho ». La thématique de cet ouvrage (en français malgré le titre) est proche, mais ne rajoute pas selon moi beaucoup par rapport au « Bug humain », sur lequel je propose de nous concentrer.
Dès l’introduction, le propos est posé : « Notre conscience de ce qui nous attend ne semble avoir aucun effet sur le cours des évènements. Tout se passe comme si notre intelligence était impuissante, dominée par des processus plus profonds, inconscients, que nous ne maîtrisons pas. » (p. 26).
L’argument central de Bohler est que l’évolution de notre cerveau au cours des millénaires a été modelée par la nécessité de survivre, à la fois au niveau de l’individu et de la société. L’homme doit notamment pouvoir se nourrir suffisamment, vaincre ses éventuels ennemis et, aussi, se reproduire. Ces mécanismes primaires sont enfouis dans une partie centrale du cerveau, appelé « Striatum ». C’est cette partie du cerveau – que nous ne contrôlons pas – qui est responsable de diffuser l’hormone de la récompense, la dopamine.
Un des problèmes de base est que ce striatum ne connait pas de mécanisme de limitation. Historiquement, le chasseur de la préhistoire qui tuait un gros animal avait pour réflex de consommer le plus possible de cette viande source d’énergie afin de survivre à la disette suivante. Le mécanisme de récompense par le striatum et sa dopamine n’est pas stable : il a tendance à disparaître avec l’accoutumance. Il faut, comme pour les drogués, augmenter la dose pour retrouver le même niveau de satisfaction après un certain temps. De manière générale, cette satisfaction intervient aussi lorsqu’un individu reçoit plus que les autres.
Ces mécanismes sous-jacents se reflètent dans ce que Bohler caractérise de « dogme de la croissance ». Nos mécanismes internes privilégient le présent : « la force de la décharge de dopamine dépend du délai qui sépare l’annonce de la récompense de sa venue effective » (p. 168). C’est ce qui explique que nous ne réagissons pas face à la catastrophe imminente.
Bohler évoque bien la possibilité d’empêcher ce résultat funeste. Toutefois, il faut reconnaître qu’on reste largement sur notre faim ( !!) dans ce domaine. L’exemple de sœur Thérésa qui soignait les lépreux indiens devrait montrer que nous pouvons « corriger » les mécanismes de notre Striatum et changer d’attitude. Malheureusement cette partie du discours de Bohler reste beaucoup moins convaincante.
Pour ceux que cela intéresse, je vous propose de regarder une longue interview (plus d’une heure) de Bohler proposée par la chaine youtube du « Green Letter Club ». Vous y apprendrez, notamment, que les penchants du Striatum additionnés aux mécanismes d’Internet font que la consommation en ligne de vidéos pornographiques représente près du tiers du trafic total, ce qui représente une empreinte carbone plus élevée que celle de l’aviation.