Environnement et UE : signaux contradictoires

3.03.2024 |

La ‘machine’ européenne voit les élections (6-9 juin) au Parlement européen se rapprocher, ce qui est à l’origine d’une certaine fébrilité. Cette excitation a été à l’origine de décisions contradictoires et inattendues dans le domaine de l’environnement et de la durabilité. À quelques heures d’intervalle, les nouvelles règles européennes sur la restauration de la nature ont été acceptées à une très courte majorité par le Parlement européen alors que l’adoption prévue du devoir de vigilance qui détaille les règles à appliquer par les entreprises en matière de durabilité a été stoppée alors qu’on pensait le consensus acquis.

Comme le commente novethic, la succursale ‘écolo’ de la Caisse de dépôts française, « les centaines de tracteurs dans les rues de Bruxelles ou sur les autoroutes espagnoles n’auront pas suffi à faire plier les eurodéputés. » En effet, les efforts de la droite et de l’extrême-droite européenne qui se présentait comme un rempart contre les nouvelles charges administratives imposées par cette nouvelle réglementation aux agriculteurs, n’ont pas suffi et la ‘loi’ a été adoptée de justesse le 27 février. Selon cette nouvelle réglementation : « Pour atteindre les objectifs globaux de l’UE, les États membres doivent restaurer au moins 30% des habitats concernés par la nouvelle législation (forêts, prairies, zones humides, rivières, lacs et fonds coralliens) pour remettre en bon état d’ici 2030 ceux qui sont en mauvais état, puis 60% d’ici 2040 et 90% d’ici 2050. »

L’accord conclu avec les États membres a été adopté par 329 voix pour, 275 contre et 24 abstentions. Il doit désormais être adopté par le Conseil, avant d’être publié au Journal officiel de l’UE et d’entrer en vigueur 20 jours plus tard.

Si les efforts du lobby agricole n’ont pas suffi malgré les tracteurs, les klaxons et le fumier répandu un peu partout, il n’en est pas allé de même dans le monde plus vaste et moins bruyant des entreprises européennes. En effet, la directive relative au devoir de vigilance des entreprises en matière de développement durable (en anglais : Corporate Sustainability Due Diligence Directive CSDDD) présentée en février 2022 a subi un accident majeur.

Alors que les trois autorités impliquées dans la négociation ‘trilogue’ (Le Conseil, Le Parlement et la Commission européenne) avaient atteint le ‘consensus’ vers la fin 2023, le projet a été bloqué au dernier moment par la défection d’une majorité de pays sous l’impulsion des syndicats d’entreprises dénonçant de nouvelles charges insupportables. Face aux défections croissantes, la présidence belge a repoussé plusieurs fois le vote et, finalement, l’organe des ambassadeurs qui prépare les décisions de l’Union, le COREPER, a dû reconnaître l’absence de majorité au cours de sa séance du 28 février 2024.

En fait, le projet européen de CSDDD allait nettement plus loin que les règles suisses ‘pour des entreprises responsables’, qui avaient été mises sur pied par le Conseil fédéral et le Parlement pour proposer une alternative à l’initiative du même nom qui avait échoué de justesse en novembre 2020 face à la majorité des cantons. Ces nouvelles règles devaient s’appliquer surtout aux grandes entreprises européennes et les ‘obligations de résultats’ devaient faire l’objet d’un contrôle par l’Etat, ce qui n’est pas le cas des dispositions introduites dans le code suisse des obligations (CO). L’adoption des CSDD semblait à ce point certaine, que le Conseil fédéral avait commandé un rapport d’experts sur leurs conséquences pour les entreprises suisses. Selon ces experts, 160 à 260 grandes entreprises suisses auraient été concernées, alors que le nombre des sociétés ciblées par les dispositions du CO se situe entre 300 et 1200.

Le Conseil fédéral avait même commencé à réfléchir sur la manière d’adapter la réglementation européenne à la Suisse. Il reste donc à attendre les résultats des élections européennes pour voir si le Parlement ‘recomposé’ reprend cet élément essentiel du ‘Green Deal’ européen.

Siège de la Commission, Berlaymont
Siège de la Commission, Berlaymont

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