Alain Pavé (1943), ancien chercheur au CNRS et Professeur émérite de l’Université Claude Bernard de Lyon est un spécialiste de la modélisation en biologie et en écologie. Son ouvrage publié en février 2019 est intitulé « Comprendre la biodiversité. Vrais problèmes et idées fausses ».
L’approche de Pavé est éminemment critique et détonne par rapport aux thèses des écologistes. Il est vu d’ailleurs comme un opposant et certains comme Jacques Blondel (cf. compte-rendu) considèrent que Pavé ne tient pas suffisamment compte des milliers d’articles scientifiques produits par les défenseurs de la biodiversité. L’ouvrage de Pavé se situe aux antipodes de celui de Bruno David (cf. compte-rendu) dans la mesure où il consacre une part importante de son ouvrage à la modélisation de la biodiversité, partie d’ailleurs assez indigeste pour un non-mathématicien.
Biodiversité : tout repose sur la définition des espèces
La critique principale de Pavé est que les défenseurs de la biodiversité font preuve de « fixisme », ils considèrent les espèces à la base de la définition de la biodiversité comme immuables et ne tiennent pas suffisamment compte de l’évolution Darwinienne qui fait que les espèces se modifient également. Pavé insiste aussi sur le fait que la notion d’espèces est loin d’être immuable. Il existe plusieurs définitions et les résultats de l’analyse peuvent en être passablement affectés. A mon avis, Pavé ne peut pas être vu comme un climato-sceptique mais il se plait à souligner certaines contradictions. Pavé, qui a passé de nombreuses années en Guyane française pour le CNRS, ne met pas en question les phénomènes actuels de déforestation dans les zones tropicales mais relève les difficultés à appréhender l’évolution de la forêt sur la longue période, notamment en raison des variations climatiques. Il cite l’exemple de la forêt en France métropolitaine, qui est passée de 40 millions d’hectares à l’époque gallo-romaine, à 8,5 millions au milieu du 19ème siècle pour revenir à 16 millions aujourd’hui.
Je trouve l’ouvrage de Pavé particulièrement intéressant pour son traitement de deux questions, la loi aire-espèces d’une part et la question d’une sixième extinction d’autre part.
La loi aire-espèces
Ce qu’on désigne en anglais par SAR (Species-Area Relationship) est une des très rares indications chiffrées utilisées lorsqu’il s’agit de mesurer la biodiversité. Cette ‘loi’ développée vers 1920 lie le nombre d’espèces dans une zone à l’aire de cette zone. Plus la surface est grande, plus le nombre d’espèce va augmenter. Toutefois, cette augmentation va progressivement décliner. Cette loi a été appliquée pour estimer le nombre d’espèces sur des îles, notamment. Cette loi est utile parce qu’on peut procéder par échantillonnage. Après un certain nombre de mesures on peut procéder par extrapolation sur la base de la relation mathématique, ce qui évite un recensement complet, difficilement réalisable.
Cette approche donne de bons résultats lorsqu’il s’agit d’estimer le degré de biodiversité d’une région. Par contre, le mécanisme ne fonctionne qu’imparfaitement lorsqu’on essaie de l’appliquer à la disparition des espèces. Ce n’est que lorsque le dernier individu a disparu que l’espèce peut être déclarée éteinte. Pratiquement, le modèle présence/absence ne fonctionne pas de la même manière lorsqu’on enregistre la première occurrence d’une nouvelle espèce ou qu’il s’agit de vérifier qu’on est en présence du dernier individu d’une espèce en train de disparaître. Avec quelques diagrammes Pavé montre que la relation aire-espèces habituelle aboutit à surestimer la disparition des espèces. Finalement, pour lui, l’absence de preuve n’est pas la preuve de l’absence. Il semblerait ainsi que même l’IPBES se fonderait en partie sur des estimations trop pessimistes de ce fait.
La sixième extinction
Dans cette partie Pavé fait référence à des recherches qu’il a menées au début de ce siècle. En 2002 il a publié un article avec J.-C. Hervé et C. Schmidt-Lainé intitulé « Mass extinctions, biodiversity explosions and ecological niches ». Dans cette analyse, il met en exergue avec ses co-auteurs la forte progression de la biodiversité qui a fait suite aux différentes extinctions de masse enregistrées lors de l’évolution des âges géologiques. Il en est résulté malgré ces épisodes dramatiques une véritable explosion de la biodiversité sur le très long terme comme le montre ce graphique tiré de cet article scientifique.
Alain Pavé met en question les pronostics très pessimistes sur cette 6ème extinction qui sont apparus à partir du milieu des années 1990. Il remarque qu’il y a souvent des problèmes d’interprétation des faits en lien avec l’échelle temporelle choisie. Pour lui ces discours sont souvent d’inspiration religieuse. En fait pour lui (p. 168) « la biodiversité est une expression moderne du paradis perdu, que nous risquons de perdre encore une fois. »
A part cela on peut consulter le Blog d’Alain Pavé. France Culture a réalisé en 2019 une interview d’Alain Pavé en marge de l’IPBES. Je vous conseille son écoute sur Youtube .
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