Le nombre d’espèces animales et végétales est estimé à 8 millions dans le monde, chiffre qui peut varier de quelques millions selon les experts. Une des mesures de la biodiversité repose sur l’évolution du nombre d’espèces. Se concentrer sur les disparitions d’espèces est compliqué car il est très difficile de retrouver les individus appartenant à une espèce en voie de disparition. Une espèce peut être déclarée disparue alors qu’il subsiste un certain nombre d’individus. Il peut y avoir également des problèmes pour différencier ces espèces en fonction de leur capital génétique.
En fait il faudrait avoir une idée précise de l’évolution du nombre d’individus de toutes les espèces et de leur répartition dans l’espace pour mesurer ce phénomène. C’est ce qui pousse les scientifiques à faire une évaluation plus circonspecte afin de déterminer les fameuses listes rouges des espèces en danger en appliquant les critères établis par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
L’Office fédéral de l’environnement (OFEV) vient de publier une mise à jour de la liste rouge des mammifères en Suisse après avoir fait de même pour les oiseaux nicheurs en 2021. Comme le relève la synthèse que l’OFEV publie sur son site, on est loin des millions cités en introduction, car on se base sur la fraction du monde que nous connaissons. L’OFEV relève ainsi que la Suisse abrite 56’000 espèces différentes de végétaux, d’animaux et de champignons et que seules 20% de ces espèces ont vu leur statut de menace évalué.
La vision se rétrécit encore considérablement lorsqu’on ne considère que les mammifères. La liste ne contient que 55 espèces dont 19 – soit 35% – sont considérées comme en danger. La comparaison avec la première liste établie en 1994 est compliquée car certains critères ont évolué. Des espèces autrefois en danger comme le castor ont vu leur situation s’améliorer. Une espèce de musaraigne a même été redécouverte et ajoutée à la liste de 2022. Toutefois, la tendance est plutôt à la détérioration comme le montre le tableau suivant :
Tableau : Nombre d’espèces de mammifères (hors chauves-souris) par catégorie de menace dans la liste rouge précédente (1994) et la liste rouge actuelle
Catégories 1994 | Nombre d’espèces | Catégories 2017 | Nombre d’espèces |
Disparue (0) | 2 | Éteinte en Suisse (RE) | 1 |
En danger d’extinction (1) | 3 | En danger critique (CR) | 2 |
Très menacée (2) | 2 | En danger (EN) | 7 |
Menacée (3) | 10 | Vulnérable (VU) | 9 |
Total des espèces liste rouge | 17 | Total des espèces liste rouge | 19 |
Potentiellement menacée (4) | 4 | Potentiellement menacée (NT) | 4 |
Non menacée (n) | 36 | Non menacée (LC) | 32 |
Total des espèces évaluées | 57 | Total des espèces évaluées | 55 |
Proportion d’espèces de statut 0–3 | 30 % | Proportion d’espèces de statut RE–VU | 35 % |
Proportion d’espèces de statut 0–4 | 37 % | Proportion d’espèces de statut RE–NT | 42 % |
Source : OFEV, Liste rouge des mammifères, 2022, tableau 6, p. 23
La liste rouge des oiseaux publiée l’an dernier donnait également une idée de « menace stable ». Toutefois ces résultats sont difficiles à interpréter. Il faudrait pouvoir aussi comptabiliser les innombrables autres espèces du monde végétal et animal, notamment des insectes. Et même à l’échelle très limitée qui nous occupe, l’interprétation est délicate. A l’heure où la presse se fait l’écho du retour de meutes de loups dans nos montagnes, comment se plaindre de la disparition de la faune sauvage ? Le commentaire de l’OFEV se penche également sur cette problématique dans son commentaire:
Le paradoxe naît du fait que l’évolution positive concernant les grandes espèces fait oublier la raréfaction de nombre d’espèces plus discrètes et moins connues, ainsi que la forte diminution d’espèces anciennement très répandues comme le lièvre brun ou le hérisson.
A mon avis, ces remarques doivent nous appeler à la prudence lorsqu’on empoigne le thème de la biodiversité et de son déclin.
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